PROBLEME N°4 :
Le nucléaire

coûte très cher

“Ça va coûter cher, très cher ou très très cher ?”

Lorsqu’une centrale nucléaire, a fortiori amortie, tourne à plein régime, le prix du mWh produit est effectivement bon marché, comparé à d’autres sources d’énergie. Mais le problème avec le nucléaire, ce sont ses coûts “cachés”, extrêmement élevés et souvent non maîtrisés.

 4.1. De nouveaux réacteurs atomiques impayables

Les réacteurs nucléaires français construits dans les années 60 et 70 (des réacteurs à eau pressurisée) ont coûté approximativement 2 milliards d’euros pièce et leur construction a pris environ sept ans. Leur coût a été amorti sur la facture énergétique des consommateurs.

Ces modèles de centrales sont obsolètes et une nouvelle génération de réacteurs (les EPR) est en train de voir (difficilement) le jour en Europe : Flamanville (France), Hinkley Point (Angleterre) et Olkiluoto (Finlande).

Les coûts de ces chantiers, dépassant tous les délais initiaux de construction, explosent :

  • Le chantier d’Hinkley Point était estimé à 19 milliards d’euros, la facture avoisine aujourd’hui les 25 milliards d’euros
  • l’EPR finlandais était estimé à 3,3 milliards d’euros et en aura coûté près de 11, avec un retard de chantier de 12 ans ;
  • A Flamanville, le coût du réacteur EPR en construction était estimé à 3 milliards d’euros pour un chantier de cinq ans, il durera finalement plus de seize ans, pour une facture qui est finalement estimée aujourd’hui à… 19 milliards d’euros !

Les nouveaux réacteurs nucléaires sont donc tout simplement impayables.

 4.2. Un coût de prolongation très élevé

Une fois construite, une centrale nucléaire fonctionne effectivement à coût relativement stable et concurrentiel… jusqu’à la fin de sa durée prévue de fonctionnement. A ce moment, si on décide de ne pas fermer la centrale comme initialement prévu, il faut investir pour la rénover, mettre à jour les mesures de sécurité, etc.

En France, le coût de rénovation pour une prolongation de 10 ans est estimé à 1,7 milliard d’euros par réacteur. Sur un parc de 58 réacteurs, l’investissement dans une stratégie de prolongation avoisine donc les 100 milliards d’euros. En Belgique, la prolongation pour 10 à 20 ans coûtera à minima 500 millions d’euros par réacteur.

 4.3. Un coût de démantèlement sous-estimé

Lorsqu’une centrale arrive en fin de vie, il faut l’arrêter puis la démanteler avec comme but la décontamination, le démontage et l’élimination des structures et composants  radioactifs. Ce démantèlement est un travail très complexe, long (estimé entre 6 et 15 ans) et forcément… coûteux. Dès lors, les producteurs d’énergie nucléaire sont obligés de créer un fond de réserve pour garantir que le coût de ce démantèlement sera assumé.

En Belgique, ce fonds représente actuellement 6,345 milliards d’euros. Il est répercuté dans le prix du mWh nucléaire mais est-il suffisant ? Beaucoup d’experts estiment que c’est loin d’être assez. A titre d’exemple, le coût du démantèlement du réacteur nucléaire Yankee Rowe, dans le Massachusetts, avait été estimé à 120 millions de dollars, mais la facture s’est élevée en fin de compte à 450 millions de dollars.

En France, le projet-pilote de démantèlement d’un réacteur prototype de 80 MW s’est avéré vingt fois plus coûteux que prévu.

Aujourd’hui selon une étude de Roland Berger, le coût de démantèlement d’un réacteur varie selon le type de celui-ci de 200 millions à presque un milliard d’euros.

 4.4. Un coût de gestion des déchets radioactifs incalculable et qui ne cesse de croître

Enfin, il y a le coût de la gestion des déchets radioactifs, dont les plus dangereux le sont pour des dizaines de milliers d’années. Il n’existe toujours aucune solution définitive validée pour ces déchets. En Belgique, comme dans d’autres pays, on étudie donc la possibilité d’un enfouissement profond qui pose de nombreux problèmes et questions.

Depuis le lancement, en 1974, des programmes de recherches sur le stockage à long-terme des déchets radioactifs, environ 500 millions d’euros ont été consacrés à la recherche sur la faisabilité et la sûreté du stockage géologique.

L’ONDRAF estime que d’ici à 2050, il faudra encore y ajouter 1,25 milliards d’euros.

Les coûts  totaux du projet de stockage géologique profond en Belgique étaient initialement estimés à 3,5 milliards d’euros, pour passer successivement à 8 milliards, puis  à plus de 10 milliards… Or, le fond de gestion des matières fissiles irradiées dans les centrales nucléaire en Belgique s’élève  actuellement à 8,03 milliards d’euros On voit là clairement un des enjeux des négociations en cours avec Engie relatives à la prolongation de deux réacteurs nucléaires.

 4.5. Le coût pharaonique des accidents et l’inassurabilité du nucléaire

De leurs côtés, les coûts potentiels des incidents et des accidents nucléaires sont difficiles à prendre en compte dans le coût du mWh, même s’ils sont bien réels. Ainsi, le sabotage (toujours non élucidé) en 2014 d’un des réacteurs à Doel à coûté près de 100 millions d’euros à Engie.

Et en cas d’accident plus important, aucune compagnie d’assurance au monde n’accepte de couvrir les centrales nucléaires.

Le montant maximal du dommage à concurrence duquel la responsabilité de l’exploitant est engagée, s’élève à 1,2 milliard € pour chaque accident nucléaire ! Les coûts supplémentaires seraient donc à charge des contribuables (voir à ce sujet le Price Anderson Act, cadre légal américain d’irresponsabilité des exploitants dont s’inspire aujourd’hui la législation européenne).

A titre d’exemple – et d’échelle – le coût de la catastrophe de Tchernobyl est estimé, a minima, à plus de 200 milliards d’euros, celle de Fukushima dépasse aujourd’hui les 170 milliards, alors que le compteur tourne toujours…

L’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) a étudié le coût économique d’un accident nucléaire, s’il survenait en France.

Un accident grave coûterait en moyenne 120 milliards d’euros, un accident majeur, 430 milliards d’euros… soit le PIB de la Belgique.

Dans une interview récente, Patrick Pouyanné, patron de Total Energies, explique pourquoi l’entreprise ne se lancera pas dans le nucléaire. Reconnaissant qu’ils ont étudié très sérieusement la question, il conclut : « c’est très capitalistique et le cocktail de risque est trop important pour une entreprise privée ». Trop cher et trop dangereux, donc.

En Allemagne, une étude commanditée par le Versicherungsforen Leipzig, un prestataire de services pour les compagnies d’assurance, a calculé en 2011 que si une assurance voulait constituer des primes suffisantes pour une centrale nucléaire en l’espace de 50 ans, par exemple, elle devrait demander 72 milliards d’euros par an pour la responsabilité civile ! En pratique, les réacteurs ne peuvent donc pas être assurés, à moins que le prix de l’électricité ne soit multiplié par… vingt.

L’étude explique les années de distorsion du marché en faveur de l’énergie nucléaire et au détriment de la concurrence. Uwe Leprich de l’Université des Sciences appliquées de Sarrebruck, y démontre ainsi que « l’énergie nucléaire n’est pas compétitive lorsqu’elle est considérée d’un point de vue économique approprié en termes de politique réglementaire. »

Pendant ce temps, en 2020…

  • Le total des investissements mondiaux dans l’électricité renouvelable a dépassé les 300 milliards de dollars, soit près de 10 fois le montant connu des décisions d’investissement pour la construction de réacteurs nucléaires.
  • Le coût du nucléaire ne cesse de croître, que ce soit pour l’exploitation, la prolongation des centrales ou pour la construction de réacteurs de nouvelle génération (Hinkley Point, Flamanville,…).
  • Le coût du mWh nucléaire est de moins en moins compétitif par rapport aux coûts du renouvelable.
  • Au cours de la décennie passée, les estimations de coûts actualisés pour le solaire commercial ont chuté de 89 %, de 70 % pour l’éolien, et augmentaient en même temps de 26 % pour le nucléaire.

“In 2021, total investment in non-hydro renewable electricity capacity reached a record US$366 billion, 15 times the reported global investment decisions for the construction of nuclear power plants that have nevertheless increased over the previous year by about one third to US$24 billion for 8.8 GW. Investment in solar surged by 37 percent to reach US$204 billion and investments in wind power plants increased by 2.8 percent to US$146 billion. Individually, solar investments total 8.5 times and wind six times nuclear power investment decisions.” (WNISR 2022)

Les autres problèmes du nucléaires :

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